aah individualiséeL’AAH, allocation aux adultes handicapés, garantit aux personnes en situation de handicap un revenu minimal. Cette allocation entre par conséquent dans la catégorie des minima sociaux au même titre que le RSA, l’ASS, ou encore l’Aspa (Allocation de solidarité aux personnes âgées).

La déconjugalisation de l’AAH consiste à prendre en compte pour l’attribution et le calcul de cette allocation les seuls revenus de la personne handicapée lorsqu’elle vit en couple sans que soient retenues les ressources de son conjoint. À l’heure actuelle, l’AAH quand on vit en couple, un abattement est appliqué sur les ressources du conjoint.

Rappelons que, par principe, les minima sociaux sont fondés sur la notion de solidarité entre les personnes qui composent le foyer, et cela concerne les entrées d’argent comme les dépenses. Or, sous la question de l’individualisation de l’AAH, se pose la question de l’autonomie financière des personnes en situation de handicap.

En juillet 2022 le parlement français a tranché : l’AAH est déconjugalisée et la réforme est entrée en vigueur le 1er octobre 2023.

Afin de comprendre les enjeux de cette décision, lisez cet article. On vous dira comment cette question essentielle pour les personnes en situation de handicap s’est transformée en débat de société. Vous y découvrirez aussi les détails de la réforme qui fixera les conditions d’attribution et de calcul de l’allocation aux adultes handicapés.

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Désolidarisation de l’AAH : l’historique d’une lutte sociale fructueuse

Tout commence le 30 décembre 2019 lorsque Jeanine Dubié, députée du Parti radical de gauche, et quelques-uns de ses collègues déposent une proposition de loi concernant la déconjugalisation de l’AAH.

Le 13 février 2020, le texte est adopté par l’ensemble des groupes de l’Assemblée nationale, à l’exception de la majorité présidentielle qui le rejette. En effet, le gouvernement reste sourd aux revendications contre le mode de calcul en vigueur jugé archaïque par les auteurs de la proposition de loi.

En septembre 2020, une bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés se saisit d’un moyen d’action prévu par la constitution de la Vème République : la pétition.

Dès le mois de février 2021, la pétition remporte un vrai succès avec 100.000 signatures, obtenant par là même l’inscription de la déconjugalisation de l’AAH à l’ordre du jour des débats au Sénat*.

La pétition : un droit historique

Ce droit existe depuis la Révolution française, il permet d’adresser une demande à une autorité. L’Assemblée nationale et le Sénat proposent une plateforme internet qui permet aux citoyens français de déposer ou de signer une pétition en ligne.

Si la pétition recueille 100.000 signatures dans un délai de 6 mois :

    • Au Sénat : la question soulevée est examinée par la Conférence des Présidents qui décide de donner suite ou non
    • À l’Assemblée nationale : c’est la commission compétente qui l’examine et décide de la présenter ou non  à l’ensemble des députés

Si la pétition atteint 500.000 signatures dans le délai de 6 mois, c’est à l’ensemble des députés que la question est présentée pour être débattue.

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Le 9 mars 2021, c’est donc le Sénat qui, quasiment un an après l’Assemblée nationale, examine pour la première fois le texte sur l’individualisation de l’AAH. Cette proposition de loi est adoptée à une très grande majorité.

C’est à la suite de ce vote, le 15 mars 2021, que Sophie Cluzel, alors secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, accorde une interview à Sud Radio réaffirmant avec force l’opposition du gouvernement en rappelant le principe de solidarité familiale pour les minima sociaux.

Le 13 juin 2021, à Paris et en réponse à la prise de position de la ministre qui se voit attribuer le qualificatif de “handiphobe”, un premier rassemblement regroupe 200 personnes.

Le 16 juin 2021, c’est au tour du HCE, Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, de prendre position très clairement en faveur de la déconjugalisation de l’AAH.

Il est à noter par ailleurs que plusieurs institutions indépendantes défendent ouvertement la même position :

La proposition de loi arrive pour la seconde fois à l’Assemblée nationale le 17 juin 2021. Les députés examinent alors un texte que la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a détricoté en lui adjoignant une nouvelle prise en compte des revenus du conjoint basée sur un système de forfait. Ceci représente une avancée en termes de pouvoir d’achat, mais ne règle en rien la question de la dépendance financière de la personne handicapée à l’égard de son conjoint.

Le 16 septembre 2021 arrive le point d’orgue de la contestation : à l’appel de 22 organisations qui ont pour objectif la défense des droits des personnes handicapées, rassemblements, défilés et autres initiatives se déroulent dans 40 villes de France. À Nantes, une opération coup de poing à bloqué le périphérique. Autre exemple : c’est par l’intermédiaire d’une action artistique, le street art, qu’à Montpellier les manifestants ont souhaité provoquer la prise de conscience du public de l’urgence de l’individualisation de l’AAH.

C’est ensuite le Sénat qui, sans surprise, adopte à nouveau le 12 octobre 2021 le texte qu’il avait voté une première fois au mois de mars.

Anticipant le risque de blocage parlementaire, 18 associations demandent en novembre 2021 la tenue d’une CPM, commission paritaire mixte. Celle-ci est composée de 7 sénateurs, 7 députés et leurs suppléants. La mission de cette commission est de trouver un compromis en cas de désaccord répété sur une proposition de loi.

Le 2 décembre 2021, la navette parlementaire ramène une nouvelle fois la proposition de loi devant l’Assemblée nationale et cette fois encore les députés de la majorité présidentielle refusent de la voter. Par ailleurs, en accord avec les prérogatives qui sont les siennes, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, rejette la demande de convoquer une CPM.

Une éclaircie apparaît en avril 2022 lors de la campagne électorale pour les présidentielles : Emmanuel Macron promet de “bouger” sur la question de la déconjugalisation de l’AAH. À une allocataire handicapée qui lui demandait si elle devait choisir entre son travail et l’amour, le président lui a répondu : “Choisissez l’amour”.

La nouvelle composition de l’Assemblée nationale ayant modifié les rapports de force, la proposition de loi sur l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés est enfin adoptée par une majorité de députés au mois de juillet 2022.

Le décret d’application est publié le 28 décembre 2022 pour une entrée en vigueur de la loi au 1er octobre 2023.

 

Déconjugalisation de l’AAH : comment la réforme va-t-elle s’appliquer ?

En dépit des nombreux échecs essuyés au fil des années, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés a enfin été entérinée. Un décret d’application prévoit l’entrée en vigueur de la loi relative à l’individualisation des ressources pour l’attribution et le montant de cette aide au 1er octobre 2023.

Rappelons qu’il existe en France 1,2 million d’allocataires AAH et parmi ceux-ci 270.000 vivant en couple sont concernés par la déconjugalisation.

En clair, cette réforme est considérée comme une mesure de justice et consiste à ne pas prendre en compte les revenus du conjoint de la personne handicapée dans le calcul de son allocation.

Si cette loi rend leur autonomie financière aux adultes en situation de handicap et en particulier aux femmes sous l’emprise d’un conjoint violent, elle est favorable en termes de pouvoir d’achat à la grande majorité des allocataires de l’AAH.

Le gouvernement estime à 160.000 le nombre de personnes handicapées dont le gain moyen va s’élever à 300 euros par mois.

En revanche on estime qu’une application dite “sèche” de la déconjugalisation ferait subir à 44.000 allocataires de l’AAH une perte moyenne de 270 euros mensuels. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de permettre aux personnes lésées par la déconjugalisation d’opter pour l’ancienne formule qui leur est plus avantageuse (source), et ce jusqu’à extinction de leurs droits. Cela concerne majoritairement les bénéficiaires de l’AAH qui ont un emploi, mais dont le conjoint perçoit peu ou pas de revenus.

Un double calcul sera effectué par les CAF ou les MSA pour déterminer qui a intérêt à basculer dans la nouvelle formule de calcul et qui trouvera avantage à rester à l’ancien mode. Cette comparaison sera faite lors de chaque changement de situation signalée par la personne handicapée.

À savoir : dès qu’un bénéficiaire perçoit l’AAH déconjugalisée, il ne peut plus revenir à l’ancien mode de calcul. Cette mesure transitoire ne concerne que celles et ceux qui perçoivent l’AAH avant la mise en application de la loi.

À compter du 1er octobre 2023, pour les nouveaux bénéficiaires le calcul pour l’AAH sera automatiquement déconjugalisée.

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Crédit photo : © Synthex🇺🇦 / Adobe


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