L’accès à l’emploi pour tous est un axe majeur du gouvernement français et une loi intitulée “Pour le Plein emploi” est en préparation pour atteindre cet objectif. Outre la transformation de Pôle emploi en France Travail ainsi que d’autres mesures, cette loi comporte un volet important qui concerne les bénéficiaires du RSA, Revenu de solidarité active.

La réforme du RSA, qui s’attache particulièrement à l’accompagnement professionnel des bénéficiaires, a été instaurée le 1er janvier 2024, même si sa mise en oeuvre est étalée sur le temps, et nous allons regarder ensemble ce qu’elle comporte comme modifications pour les allocataires.


RSA historique : sa création et son évolution

Et pour commencer, souvenons-nous : le 1er décembre 1988 une loi qui institue le RMI, Revenu minimum d’insertion, est votée et appliquée par le gouvernement de Michel Rocard dans un contexte de chômage massif. Ce dernier, à l’origine de cette loi, a déclaré que “le RMI a sauvé de l’absence de ressources près de deux millions de Français.” Après la Sécurité sociale, le minimum vieillesse et les allocations chômage, le RMI a instauré le droit à un revenu minimum pour tous.

Vingt ans plus tard, le RSA prend le relais : promulguée le 1er décembre 2008 une loi instaure le Revenu de solidarité active. Le RSA entre en vigueur le 1er juin 2009 en France métropolitaine, il faudra attendre encore un peu pour les territoires ultramarins.

Le Revenu de solidarité active a pour objectif, outre le fait de donner aux plus démunis les moyens  de leur dignité, de favoriser le retour à l’emploi. Par ailleurs Nicolas Sarkozy, alors président de la République, souligne le devoir de solidarité en déclarant : “S’il y a de l’argent pour le haut, il doit aussi y avoir de l’argent pour le bas.”

À sa création le RSA était composé d’un volet social, le RSA socle, et un volet lié à l’activité professionnelle, le RSA activité. Depuis 2016, la Prime d’activité a remplacé le RSA activité.

En 2010 ce dispositif de solidarité est complété du RSA jeune qui est accordé aux personnes éligibles de moins de 25 ans.

Le RSA tel que nous le connaissons aujourd’hui concernait à la fin de l’année 2021 1,93 million de bénéficiaires, soit 3,87 millions de personnes en comptant les conjoints et les enfants, soit encore 5,7% de la population française.

Enfin, un des aspects les moins évoqués du RSA et le plus injuste est sans nul doute le phénomène nommé “Non-recours“. En mars 2022 la DRESS, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, estime que plus d’un tiers des personnes éligibles au RSA ne le demande pas.

 

La réforme du RSA, ce qui va changer pour les bénéficiaires

Comme le souligne un rapport de la Cour des comptes en janvier 2022, si le RSA est à même de protéger les bénéficiaires de la grande pauvreté, il ne permet pas de sortir de la pauvreté du fait des travailleurs pauvres et à temps partiel ni d’inciter vers un retour à l’emploi.

En conséquence de quoi c’est à la partie “Activité” que la réforme en cours s’attache.

Il faut par ailleurs noter une rupture dans la promesse sociale : le nouveau RSA s’inscrit dans la logique des droits et devoirs quand le RMI et le RSA ancienne formule étaient inconditionnels et un préalable nécessaire au retour vers l’activité professionnelle.

La modification de Revenu de solidarité active s’inscrit dans la loi “Pour le plein emploi” qui vise à faire passer le taux de chômage en France de 7 à 5% d’ici à 2027.

La contrepartie la plus importante qui va être exigée des bénéficiaires du RSA est l’obligation de “travailler” au moins 15 heures par semaine.

Cette obligation est fixée sur une fourchette de 15 à 20 heures d’activité professionnelle.

Autrement dit le RSA est versé à condition que soient effectuées au minimum quinze heures d’activité hebdomadaires.

Devant la levée de boucliers à laquelle a dû faire face le gouvernement, Olivier Dussopt, ancien ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, s’est défendu de mettre en place des mini jobs. Il a précisé qu’il est question d’activités de formation et d’insertion.

Il est toutefois spécifié que des exceptions à la règle des 15 heures d’activité obligatoires sont prévues dans certaines situations. Seront dispensés de cette obligation :

    • Les personnes souffrant d’un handicap ou d’un problème de santé
    • Les parents isolés d’enfant de moins de 12 ans et qui n’ont pas de solution de garde

De plus, si certaines personnes ne seront pas dispensées de l’accomplissement obligatoire de ces 15 heures, elles pourront bénéficier d’une diminution des heures à effectuer. En effet, lors de son examen de la loi “Pour le plein emploi”, le Conseil constitutionnel a mis en exergue la nécessité d’adapter le nombre d’heures de travail obligatoire à la situation privée (personnelle et familiale) de la personne concernée.

En corollaire de cette mesure, une inscription de tous les demandeurs de RSA à France Travail sera automatiquement effectuée, Pôle emploi laissant la place à France Travail conformément à la nouvelle loi.

Jusqu’à présent il n’était pas obligatoire pour les allocataires du RSA d’être inscrit à Pôle Emploi. Si dans les textes il était demandé à toute personne qui bénéficie du RSA d’être active dans son retour à l’emploi, dans les faits, seules celles qui sont inscrites à Pôle emploi, la moitié environ, sont effectivement accompagnées et contrôlées.

L’idée qui sous-tend cette mesure est celle du contrat réciproque unifié pour tous les allocataires du RSA. Ce contrat doit remplacer les dispositifs en vigueur aujourd’hui : PPAE, Projet personnalisé d’accès à l’emploi pour Pôle emploi et CER, Contrat d’engagement réciproque pour les autres bénéficiaires du RSA.

Dans ce contrat les engagements des deux parties sont les suivants :

    • Dans le cadre d’un accompagnement rénové des allocataires du RSA, l’État prévoit un plan d’action qui fixe des objectifs d’insertion sociale et professionnelle ainsi que des mesures d’accompagnement comme de la formation, des stages…
    • Le devoir de l’allocataire sera de se conformer strictement au plan d’action défini.

Et bien sûr, en cas de non-respect du contrat de la part de l’allocataire, diverses sanctions sont instaurées.

France Travail, puisque tous les bénéficiaires du RSA y seront inscrits, aura la possibilité de radier la personne de la liste des demandeurs d’emploi en cas de non-respect du contrat d’engagement.

Par ailleurs des sanctions financières et graduées peuvent être appliquées si la personne refuse de signer son contrat ou si elle ne le respecte pas :

    • Une sanction dite de suspension/remobilisation qui consiste à interrompre le versement du RSA avec la possibilité d’une régularisation rétroactive si les engagements sont de nouveau respectés
    • Une cessation partielle ou totale de l’allocation si les manquements sont considérés graves comme le refus d’accepter tout contrôle ou la répétitivité des infractions

Concernant les travailleurs en situation de handicap, France Travail fera une préconisation sur les orientations à fixer, qui pourront correspondre au milieu ordinaire ou à des services spécialisés.

Les titulaires d’une pension d’invalidité ou d’incapacité auront les mêmes droits que les titulaires d’une RQTH. De plus, les personnes de 15 à 20 ans en situation de handicap auront le droit de bénéficier d’une équivalence de RQTH.

Un service numérique a été créé afin de garder en mémoire tous les aménagements qui ont été accordés aux personnes handicapées. Il a pour objectif de faciliter leur recherche d’emploi. En effet, les employeurs pourront se référer à ce fichier officiel et complet regroupant les aménagements nécessaires à l’activité professionnelle de la personne atteinte d’un handicap.

icone info

 

Les angles morts de la réforme du revenu de solidarité active

Par définition un angle mort est un espace sans visibilité et cette réforme en comporte un certain nombre.

À ce stade, on peut légitimement s’interroger sur les difficultés que nombre d’allocataires pourront rencontrer.

Certes, la Première ministre, Élisabeth Borne, s’est exprimée sur cette question en reconnaissant des “freins périphériques” qu’il appartiendra à l’État de régler avant d’appliquer les sanctions. Elle prend pour exemple  la garde des enfants et indique prévoir 200.000 places en crèche supplémentaires d’ici à 2030.

Mais qu’en est-il des difficultés liées à l’absence de moyen de transport ou à son coût trop élevé ? En janvier 2023, la Dress fait un constat édifiant : en 2018 les deux tiers des bénéficiaires du RSA sont empêchés dans leur recherche d’emploi pour raison de mobilité ou de santé.

Quid des aidants qui accompagnent une personne malade ou handicapée et qui ne pourront pas se dégager 15 heures par semaine pour se conformer aux obligations de leur contrat d’engagement ?

Quid encore des travailleurs pauvres qui cumulent bas salaire et RSA ? Leur emploi du temps leur permettra-t-il d’honorer leurs obligations pour continuer à percevoir le RSA ? Les détenus allocataires du RSA avant leur détention seront-ils encore allocataires pendant les 2 premiers mois de leur incarcération ? De nombreuses autres situations sont actuellement sans réponse.

Enfin, tous les allocataires du RSA se verront contraints d’accepter toute activité professionnelle à la deuxième proposition d’offre raisonnable d’emploi faite par France Travail, et, comme bon nombre d’observateurs de la vie sociale en France l’ont souligné, cela risque d’augmenter fortement le taux de non-recours. Les populations les plus démunies ne risquent-elles pas de replonger dans la grande pauvreté ?

 

Quel calendrier pour la réforme du RSA ?

L’ancien ministre du Travail Olivier Dussopt l’a indiqué très clairement : si la réforme est entrée en vigueur à partir de janvier 2024, elle va se déployer progressivement pendant 3 ou 4 ans.

En tout état de cause, les bénéficiaires du RSA seront inscrits à France Travail au plus tard en 2025.

Le 23 octobre 2023, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à une version commune de la réforme du RSA. Par conséquent l’adoption définitive du texte de cette réforme est intervenue le 9 novembre au Sénat et le 14 novembre 2023 à l’Assemblée nationale.

Cette loi a été promulguée le 18 décembre 2023 et a été publiée au JORF (Journal officiel de la République française).

Pour la mise en oeuvre de cette réforme, il est prévu qu’un “comité national”, présidé par le Ministre du Travail, soitchargé de déterminer les règles de fonctionnement de France Travail. Il sera appuyé par des comités locaux, notamment dans le cadre des régions et des départements, qui adapteront ces orientations nationales aux enjeux des différents territoires locaux.

Il est à noter que d’ores et déjà certains départements français expérimentent cette réforme : 18 pilotes testent actuellement les nouvelles mesures prévues pour les allocataires du RSA et quelque 40 000 personnes sont actuellement concernées. Il est essentiellement question de tester l’accompagnement professionnel dit renforcé.

Cette expérimentation qui a été lancée au printemps 2023 est programmée pour durer 2 ans.


Crédit photo : © Ricochet64 / Adobe 


Vous voulez partager votre expérience ?

Notre forum est là pour ça !
Autres articles intéressants
Simulateur prime de noël
newsletter Inscrivez-vous à notre NEWSLETTER pour vous tenir informé de toutes les nouvelles aides

À quelles aides
avez-vous droit ?

Un problème ? Besoin d'une réponse personnalisée ?