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La prime de Noël, de quoi s’agit-il et dans quel contexte social a-t-elle été créée ?
En décembre 1997, sous le gouvernement de Lionel Jospin, à l’appel de la CGT et de AC, Agir contre le chômage, les chômeurs se mobilisent et réclament une prime de Noël. Les fins de mois sont de plus en plus difficiles et, au sortir d’une négociation avec le gouvernement où les précaires et privés d’emploi ne se sentent pas entendus, François Desanti, de la CGT chômeurs, déclarait :
“La prime, on peut l’appeler de Noël, du 14 juillet, de Pâques, mais la prime on la veut et la prime on l’aura !”
Finalement, dans un contexte de crise sociale et de grande précarité, cette revendication a obtenu gain de cause et c’est en décembre 1998 que le versement exceptionnel d’une aide financière est décidée. Elle est destinée aux allocataires des minima sociaux, et particulièrement aux bénéficiaires du RMI, Revenu minimum d’insertion, ancêtre du RSA actuel.
Les organisations de lutte contre la pauvreté obtiennent que cette prime soit reconduite d’année en année. Elle est encore aujourd’hui d’actualité.
Loin des 3000 francs revendiqués en 1998 (457,35 euros), c’est une prime de 1000 francs (152,45 euros) qu’obtiennent les plus modestes.
En 2025, la prime de Noël pour une personne seule est de 152,45 euros. Le montant 2025 sera confirmé par décret comme chaque année. Historiquement, il est reconduit à 152,45 euros pour une personne seule, montant inchangé depuis 1998.
En faisant la conversion (1 euro = 6,56 francs ) on peut constater que, depuis sa création en 1998, la prime de Noël n’a jamais été revalorisée !
Déterminée en fonction de la composition du foyer et pour les bénéficiaires RSA, Revenu de solidarité active, de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) ou encore l’AER, Allocation équivalent retraite, cette prime demeure une aide d’exception. À noter : les bénéficiaires de la Prime d’activité ne perçoivent pas la prime de Noël (celle-ci n’est liée qu’au RSA, à l’ASS et à l’AER). Retrouvez l’ensemble des bénéficiaires de la prime de Noël.
Prime de Noël : aide symbolique ou véritable outil contre la pauvreté ?
Tout d’abord, il est à noter que fin d’année est une période de forte augmentation des dépenses en raison des repas de fête et des cadeaux échangés. Les foyers modestes sont dans l’incapacité de faire face, ce qui le plus souvent est synonyme de marginalisation et de solitude.
Prime de Noël, une bouffée d’oxygène pour les plus modestes
Pour de nombreux foyers les plus précaires cette prime représente un coup de pouce financier très important qui permet de souffler un peu et de pouvoir faire plaisir autour de soi.
Chacun le sait, en cette période de fin d’année, les dépenses supplémentaires s’accumulent :
- Achats des cadeaux de Noël pour la famille, et en particulier pour les enfants
- Denrées alimentaires plus nombreuses et plus chères pour améliorer les repas de fête
Quel budget pour les fêtes de fin d’année ?
Fin 2024, selon un sondage CSA/Cofidis, les français en moyenne estimaient le budget pour les repas de fête à 132 euros et à 323 euros pour les cadeaux (plus 27 euros pour les décorations). Ce total de 482 euros correspondait à un peu plus de la moitié de ce que percevait un couple avec deux enfants au RSA à la même période.
À cela il faut aussi ajouter la hausse des factures d’énergie pour se chauffer et s’éclairer. Le Chèque Energie, dont le montant moyen est d’environ 150 €, ne couvre qu’une partie des dépenses d’énergie, particulièrement élevées en hiver.
Ainsi, nous le voyons, cette prime de Noël revêt une importance toute particulière pour les personnes démunies.
Par ailleurs, percevoir en une fois une somme (d’un montant qui varie en fonction de la composition du foyer, voir tableau ci-dessous) représente jusqu’à 20 % du revenu mensuel du ménage, ce qui peut permettre de combler des découverts bancaires ou même de les éviter.
Voici le barème officiel de la prime de Noël selon la composition du foyer :
| Nombre d’enfant(s) | Personne seule | En couple |
|---|---|---|
| Sans enfant | 152,45 € | 228,68 € |
| 1 enfant | 228,68 € | 274,41 € |
| 2 enfants | 274,41 € | 320,15 € |
| 3 enfants | 335,39 € | 381,13 € |
| 4 enfants | 396,37 € | 442,11 € |
| Par enfant(s) supplémentaire | 60,98 € | 60,98 € |
Source : Legifrance
Enfin, les associations d’aide aux personnes en situation de précarité soulignent la forte valeur symbolique de la prime de Noël et le soutien moral et psychologique qu’elle représente. Les plus précaires d’entre nous peuvent, sans être stigmatisés, participer à la fête.
La prime de Noël : un pansement social ?
A y regarder de plus près, il convient maintenant de s’interroger sur la portée symbolique voire morale de la prime de Noël et d’en souligner les contradictions politiques.
Cette aide financière qui n’a jamais été réévaluée n’est pas indexée sur l’inflation.
Par ailleurs, elle ne permet pas de compenser l’augmentation des dépenses contraintes comme celles de l’alimentation ou de l’énergie par exemple. Elle est présentée comme un coup de pouce, un soutien ponctuel.
Il s’agit donc plus de répondre à une situation d’urgence des plus démunis que de mener une réflexion sur les causes profondes de la pauvreté.
Le 21 décembre 2022, Louis Maurin, cofondateur de l’Observatoire des inégalités, déclarait dans un article de Ouest France :
“Distribuer des aides ponctuelles ne suffit pas. Ce qu’il faut, c’est s’attaquer aux causes structurelles des inégalités: les bas salaires, le logement trop cher, l’éducation qui produit des écarts sociaux.”
Que penser d’une aide financière dont l’objectif est de soulager sans pour autant chercher à s’attaquer véritablement aux racines de la pauvreté ?
S’agit-il d’une réponse politique de court terme ?
S’agit-il de résignation de la part des gouvernements successifs qui ont préféré offrir une bouffée d’oxygène plutôt que prendre en charge les vraies raisons de la précarité ?
Et que dire des travailleurs pauvres, des jeunes sans emploi, des étudiants, ou encore des retraités dont la maigre pension permet à peine de survivre, enfin de tous ceux qui passent sous les radars de la Prime de Noël ?
Que cette aide ponctuelle ne concerne qu’un public limité aux seuls bénéficiaires du RSA, de l’ASS ou de l’AER, à l’exclusion de tous les autres précaires, pose aussi un réel problème d’efficacité dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
Si pour certains cette prime est vue comme un acte de solidarité ou même de dignité, les associations d’aide aux plus démunis soulignent l’aspect symbolique de la Prime de Noël et dénoncent le caractère caritatif.
Prime de Noël, de l’aide ponctuelle à la justice sociale
Selon l’étude “Niveau de vie et pauvreté en 2023” publiée par l’INSEE, le taux de pauvreté atteint 15,4 %, ce qui représente environ 9,8 millions de personnes (comprendre le seuil de pauvreté en France). Il s’agit d’une progression par rapport aux années précédentes, et ce malgré les déclarations volontaristes du Président Macron qui a dit à plusieurs reprises vouloir éradiquer la grande pauvreté de notre pays.
Pour transformer cette aide publique en outil de lutte contre la pauvreté il existe des solutions. Et pour les mettre en place une politique ambitieuse de redistribution est nécessaire.
Le 2 avril 2022 le président Macron déclarait: “Face à un monde fou où la naissance détermine trop souvent les destins, (…), où les milliards vont encore trop souvent aux milliards et la pauvreté trop souvent à la pauvreté, il n’y a pas plus puissant que le goût de l’égalité.”
Il est donc indispensable de sortir d’une logique de charité collective en abordant cette réflexion sous l’angle des droits sociaux qu’il conviendrait de mieux structurer.
Faire de la prime de Noël un levier de transformation sociale est possible.
Plusieurs pistes sont envisageables :
- Rendre le versement de la prime de Noël pérenne, comme un droit social intégré au socle des minima sociaux et non plus comme un don exceptionnel de l’Etat décidé chaque année par décret
- Indexer le montant de la prime sur l’inflation pour que soit garanti le maintien du pouvoir d’achat
- …
Ces quelques réflexions montrent qu’il est possible de faire de la prime de Noël un instrument efficace en vue de réduire la pauvreté durablement. Mais pour cela il faut sortir de l’approche d’une simple aide d’appoint.
Foire Aux Questions concernant la prime de Noël
La prime de Noël est souvent perçue comme une aide financière ponctuelle, pourtant elle peut soulever des questions plus larges.
Quelle est sa véritable portée psychologique pour les ménages qui en bénéficient, comment s’articule-t-elle avec d’autres aides sociales, ou encore quelle place prend-elle dans le budget de l’État.
Le non-recours aux aides sociales se répercute-t-il sur la prime de Noël ?
Oui. Plusieurs travaux de la DREES, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, montrent qu’une part importante des personnes éligibles au RSA n’en fait pas la demande. Les estimations les plus récentes situent le non-recours au RSA socle autour d’un tiers des foyers éligibles, soit un ordre de grandeur proche de 30 %.
Par conséquent, les personnes qui ne sollicitent pas le RSA ne perçoivent pas non plus la prime de Noël, celle-ci étant automatiquement versée uniquement aux bénéficiaires d’un droit ouvert. Le phénomène de non-recours se répercute donc mécaniquement sur cette aide exceptionnelle.
Source : DREES – Mesurer régulièrement le non-recours au RSA et à la prime d’activité (PDF)
Quel est l’impact de cette prime sur la pauvreté monétaire ?
Le taux de pauvreté global ne se trouve pas modifié par le versement de cette aide sociale car elle est ponctuelle et reste trop marginale pour modifier les statistiques nationales. Cependant, selon les analyses de la DREES, la prime réduit ponctuellement l’intensité de la pauvreté en décembre, sans modifier le taux de pauvreté annuel.
Convient-il d’engager une démarche administrative pour percevoir la prime de Noël ?
Non, le versement de cette aide financière est automatique et sans ouverture de dossier supplémentaire dès lors que les conditions d’éligibilité sont remplies. Outre le fait que cela limite le risque de non-recours, la Cour des comptes a par ailleurs souligné qu’il s’agit d’une “bonne pratique” administrative.
L’effet positif de la prime de Noël sur le moral des ménages précaires est-il avéré ?
Oui, permettre aux populations les plus fragiles de participer aux fêtes comme le reste de la population permet de renforcer un sentiment de dignité. Le Secours populaire précise que ne pas pouvoir offrir de cadeaux aux enfants des classes les plus pauvres constitue une grande souffrance morale.
Peut-on cumuler la prime de Noël avec d’autres aides telles que l’APL ou le chèque énergie ?
La réponse est oui, il est tout à fait possible de cumuler la prime de Noël avec des prestations sociales comme le chèque énergie ou l’aide personnalisée au logement, ou encore l’allocation de soutien familial si la personne perçoit le RSA.
À noter: le calcul pour être éligible au RSA n’intègre pas le montant de la prime de Noël.
La prime de Noël est-elle imposable ?
Non. La prime de Noël n’est pas imposable et n’a pas à être déclarée aux impôts. Elle n’entre pas non plus dans le calcul d’autres prestations sociales comme l’APL ou le RSA. Il s’agit d’une aide exceptionnelle intégralement exclue des ressources fiscales et sociales.
Combien coûte la prime de Noël à l’Etat chaque année ?
Cela dépend bien sûr du nombre de personnes qui en bénéficient. En 2023, le coût total de la prime de Noël s’élevait à environ 570 millions d’euros. C’est la Caisse d’allocations familiales et France Travail qui assurent la gestion de cette aide publique.
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Depuis mon entrée dans l’équipe du site aide-sociale.fr en 2018, j’ai à cœur de partager ma connaissance des aides sociales existantes et des démarches administratives. Je m’y emploie en les expliquant de la façon la plus exacte et la plus claire possible afin de les rendre accessibles à tous.
